Nous
avions déjà évoqué les différentes possibilités de cuire les choux dans un précédent
article et j'avais vaguement promis d'y revenir...
Classiquement,
la ménagère cuit ses choux tels quels. Le pâtissier (qui prend encore le temps)
les passe à la dorure d'œuf ou de jaune d'œuf, et celui qui veut faire « dans
le vent » leur ajoute le fameux craquelin, tellement à la mode et dont la
recette semble gardée secrète.
En
fait nul secret derrière tout ça, la recette du craquelin est tout à fait
connue et transmise. D'ailleurs les secrets pâtissiers ne sont plus vraiment
dans l'air du temps, à quoi bon? Tous les grands pâtissiers publient leur livre
avec leurs recettes. Mon petit doigt me dit qu’ils n’ont pas trop peur de la
concurrence, et en plus ils vendent les bouquins… Précisions quand même que
Christophe Michalak, pour avoir effectivement contribué à faire connaître le
procédé, n'en est pas l'inventeur. D'ailleurs j'ignore qui l'a inventé?
A
l'occasion d'une séance d'entraînement à la confection des choux, je me suis
amusé à les cuire préparés selon les 3 procédés précédemment décrits, puis à
les comparer.
La recette de la pâte à choux que j'utilise est la suivante :
- Eau : 170 g
- Beurre : 70 g
- Sel : 4 g
- Sucre : 4 g
- Farine : 100 g
- Œufs entiers : 150 g
Dans
une casserole, portez à ébullition l'eau, le beurre, le sel et le sucre. Ajoutez la farine en une fois hors du
feu, mélangez et remettez à cuire en remuant sans arrêt jusqu'à ce que la masse
se détache bien des bords de la casserole (1 à 2 minutes).
Transvasez
la pâte ainsi obtenue dans une bassine ou le bol d'un robot et ajoutez
progressivement les œufs battus en omelette. Attendre que leur absorption soit
complète avant d'en remettre. Je préfère ce procédé à celui qui est décrit dans
les recettes et qui consiste à ajouter les œufs un par un. D'une part, cela
permet ainsi de mieux doser la quantité nécessaire, mais cela en facilite aussi
l'incorporation.
On arrête l'adjonction d'œufs lorsque la pâte à choux a une consistance « intermédiaire ». Elle coule très doucement de la spatule lorsqu'on la soulève. Elle doit alors, si possible, être utilisée immédiatement en suivant pour obtenir un meilleur résultat.
Les
choux sont couchés à la poche à douille (taille 12) tenue verticalement ou
obliquement. Le diamètre est généralement de 5 à 6 cm pour les gros choux et 3
cm pour les petits.
Les choux nature sont simplement rayés et égalisés avec une fourchette trempée dans de l'eau (sinon ça colle). Les choux dorés sont rayés à la fourchette et badigeonnés au pinceau de jaune d'œuf battu. Quant aux choux au craquelin, on dépose sur leur sommet un disque de ladite préparation dont je vous redonne la recette ici :
- Farine : 60 g
- Cassonade blonde : 60 g
- Beurre doux pommade : 50 g
Mélangez
les ingrédients cités jusqu'à obtenir une pâte. Etalez-la finement au rouleau entre deux
feuilles de papier siliconé (épaisseur 1 mm environ). Congelez et découpez des
cercles à l'emporte-pièce de la taille des choux. Bien entendu, pour des éclairs,
on fera des petits rectangles. Remettez le craquelin au congélateur jusqu'à
utilisation car il se ramollit très rapidement et deviendra alors très
difficile à manipuler. D'ailleurs, évitez de le toucher avec les doigts, a
fortiori s'il fait chaud.
Enfournez
les choux à four statique, à une température de 180 à 200°C. Il n'y a pas
vraiment de règle, ça dépend du four, de son expérience personnelle, de ses
petites manies... Certains, même, les font cuire a une température plus
basse... J'ai en tout cas remarqué qu'avec le craquelin il valait mieux cuire
un peu moins chaud car ce dernier a tendance à colorer trop rapidement avant
que les choux ne soient correctement cuits.
Bien
entendu, il est aussi possible de cuire les choux à four ventilé, et c'est
surtout valable pour les pros qui ont des fours performants. J'ai d'ailleurs lu
des techniques de cuisson assez originales en mode ventilé. Le four est monté à 270°C, choux enfournés, four éteint
puis rallumé lorsque la température décroissante atteint 180°C. J'ai essayé à
la maison : évitez, ça ne fonctionne pas! Nos fours domestiques sont trop
petits et n'ont pas une inertie thermique suffisante. Si vous cuisez à four
ventilé à la maison, vous obtiendrez des choux plus irréguliers qu'en chaleur
statique, c'est certain. Je n'ai pas essayé avec le craquelin, il est possible
que ça fonctionne?
Pour les mordus de technologie, l'explication du gonflement des choux est assez simple. Cette pâte étant très riche en eau (celle de la recette et celle des œufs), cette dernière va se vaporiser sous l'action de la chaleur du four. La pâte à choux étant une sorte de colle, elle va gonfler grâce à la vapeur dégagée. Lorsque la couche de pâte sera suffisamment fine, elle va coaguler sous l'action de la chaleur et va se stabiliser. Le reste de la cuisson servira alors à la dessécher afin qu'elle durcisse. Il est bien connu que si on ouvre le four trop tôt les choux retombent, ce n'est pas une légende et c'est logique! L'ouverture de la porte entraîne une baisse de la température dans l'enceinte du four et ainsi une baisse de pression de la vapeur d'eau contenue dans les choux. Si la pâte n'est pas suffisamment cuite donc non coagulée, le ballon se dégonfle... C'est aussi simple que ça! Alors pas de panique, si vous avez dû ouvrir quand même et que ça n'a pas duré trop longtemps, vos choux devraient reprendre leur forme. Sinon, les couches internes de la coque de pâte à choux encore gluantes vont se coller et c'est fini, vous n'aurez plus qu'à recommencer...
Alors,
les résultats en image :
Avec les choux nature on constate un gonflement irrégulier. La partie supérieure a basculé. On dirait un peu ce que produit la lave dite « en coussins » lorsqu'elle tombe dans l'eau... Il est vraisemblable que la poussée de la vapeur d'eau agit ainsi sur une couche de pâte irrégulière ou non chauffée de ma manière homogène. Ainsi, plus un four est régulier dans sa chauffe, mieux seront réussis les choux.
Pour les choux avec dorure, on remarque que la forme définitive est plus régulière. Sans doute le jaune d'oeuf, en coagulant, diminue-t-il les risques de déformation et de fracture de la partie supérieure du chou en réduisant les risques de fissuration et de fuite prématurée de vapeur.
Avec
le craquelin, le résultat est encore plus net. Les choux sont parfaitement réguliers.
Le craquelin a donc réalisé une protection efficace contre les déformations. En
revanche on remarque des choux moins développés en hauteur, caractéristique que
l'on retrouve chez tous ceux qui emploient cette méthode. La encore
l'explication coule de source. En ajoutant du poids sur la pâte à choux, on réduit
inévitablement ses possibilités de développement vertical. Le craquelin ne
comportant pas de liant, le beurre fond avec la chaleur du four et libère le mélange
farine et cassonade qui forme des petites croûtes suivant le développement du
chou.
Alors,
quelle méthode choisir? J'oserais dire que tout dépend du résultat escompté et
du temps dont on dispose. Certes la mode est au craquelin. Mais personnellement
j'y vois autre chose qu'un effet de mode. Le craquelin, par le sucre et le
croustillant qu'il apporte, amène un plus indéniable. Les choux deviennent à
eux seuls une gourmandise et pourraient se consommer seuls, toutes comme des
chouquettes. L'esthétique n'est pas en reste et j'avoue que je trouve le rendu
particulièrement raffiné. En revanche, attention à l'excédent de sucre, a
fortiori si un glaçage au fondant vient par-dessus. L'ensemble peut alors vite
se révéler trop sucré et écœurant. Il faudra à ce moment-là ne pas avoir la
main trop lourde sur le glaçage et envisager le cas échéant une crème moins
sucrée.
A
vos essais... et : Bon appétit! (Bien sûr...)