Le Kouign-Amann pas à pas, car : « Le fait qui veut, le réussit qui peut* »
Si vous avez dégusté des kouign-amann (KA) dans plusieurs
pâtisseries bretonnes, vous saurez que même les professionnels de la partie
sont loin de tous réussir ce gâteau. Trop gras, trop sucré, pas assez feuilleté, à la consistance du
carton..., on trouve un peu de tout, en passant par des produits industriels,
au milieu de réalisations exquises, équilibrées et démoniaquement gourmandes.
Je me plais à dire que le kouign-amann est un « non sens
diététique ». Quasiment autant de farine que de beurre et de sucre, d'une
simplicité insolente en apparence et pourtant difficile à réussir. A la
maîtrise de la mise en œuvre d'une pâte levée feuilletée (comme les croissants)
s'ajoute l'introduction de sucre en grande quantité qui compromet sérieusement
la réussite de l'opération.
J'ai eu l'occasion (sans pour autant être Breton) de faire
coup sur coup deux KA pour mes collègues du SMUR de Bordeaux. Ce qui n'est
pourtant pas dans mes habitudes, j'ai décidé de faire un diaporama didacticiel
pour tenter de décortiquer les grandes étapes de la réalisation de ce gâteau.
J'attends maintenant que mes collègues se lancent et me fassent goûter à leur
tour leurs réalisations (à bons entendeurs...) Je suis relativement fier de ce
que j'ai produit et je ne pense pas qu'ils me contrediront (gourmands !).
Le KA dont la traduction littérale pourrait être
« gâteau au beurre » est d’invention relativement récente puisqu’elle
remonte à 1865, période à laquelle la farine aurait fait défaut par rapport au
beurre alors particulièrement abondant. Pour certains, la recette serait née
d’une pâte à pain ratée qu’un boulanger de l’époque aurait voulu recycler en
ajoutant du beurre et du sucre… Il y a ceci dit beaucoup de façons de faire un
KA, chacun trouvera celle qui lui plait.
Quant à la devise* du titre, elle est celle d’un artisan de L'association des artisans fabriquant le Kouign Amann de
Douarnenez, dont je vous recommande de visiter le
site, complet et instructif.
Bon assez parlé : chef, la
recette!
Pour 12 personnes
- Farine T55 : 550 g
- Beurre demi-sel : 450 g + 20 g
- Sucre semoule : 400 g
- Eau : 360 g
- Levure de boulanger : 10 g
- Jaune d'oeuf : 1
- Lait
: 1 cuillère à soupe
La première étape consiste à réaliser une détrempe en mélangeant la levure à l'eau et en l'incorporant à la farine. Il faut pétrir l'ensemble au robot muni d'un crochet (ou à la main), sans excès, pendant 5 minutes environ de manière à éviter que la pâte devienne trop élastique. On incorporera alors un peu plus de farine (plus rarement d'eau) car la texture sera extrêmement variable en fonction de la farine utilisée et de l'humidité ambiante. Il est donc malheureusement impossible de donner des valeurs exactes.
On visera à obtenir une pâte « bâtarde » qui colle
encore un peu aux doigts et coule légèrement (comme sur la photo). C'est
impressionnant au départ car on pense qu'on ne pourra jamais étaler une pâte
aussi molle... et bien si! Après un passage au froid elle reprend un peu de fermeté
et la mise en œuvre du feuilletage avec l'introduction de beurre lui redonne du
corps. Le piège serait justement d'ajouter trop de farine pour obtenir une
détrempe plus ferme et du coup avoir au final un KA trop compact.
Une fois la bonne consistance obtenue, on incorpore le
beurre fondu (ce qui ramollit légèrement la détrempe sur le moment) en
retravaillant l'ensemble 1 minute. Puis on couvre le récipient d'un linge avant
de laisser lever la préparation à température ambiante pendant 1 heure.
A l'issue de cette levée on écrase la pâte pour en chasser
le gaz carbonique et l'enferme dans un film étirable avant de la placer au
réfrigérateur pendant au moins 1 heure. La détrempe doit être bien froide et il
faut toujours garder à l'esprit que des ingrédients froids seront une des clés
de la réussite des feuilletages.
On mettra à profit le temps de refroidissement de la détrempe pour mettre le beurre en forme.
Celui-ci, également froid, sera coincé en sandwich entre deux feuilles de papier sulfurisé ou siliconé. Le rouleau à pâtisserie sera utilisé comme une massue afin d'aplatir le beurre en une galette de 1 cm d'épaisseur en tapant dessus! On fera tourner la plaque régulièrement pour uniformiser les coups. L'idéal serait de disposer d'une plaque de beurre carrée au final, mais vous obtiendrez le plus souvent une forme intermédiaire entre le cercle et le carré... rassurez-vous ça marche aussi! Une fois l'opération terminée, on replace le beurre au réfrigérateur jusqu'au moment de l'utiliser.
Sur un plan de travail fariné (ne pas lésiner sinon ça
colle) on étale la détrempe en une forme vaguement carrée plus grande que le
morceau de beurre qu'on vient de travailler. Le beurre est placé au centre et
la détrempe alors rabattue comme une enveloppe de manière à l'enfermer en
totalité.
Souder les angles entre eux et retourner l'ensemble. Farinez
à nouveau et étalez le pâton d'avant en arrière pour obtenir un grand
rectangle.
Repliez la forme obtenue en 3 parties égales en amenant le bord le plus proche de vous au milieu et en rabattant le bord le plus éloigné par dessus pour refermer l'ensemble. Ou le contraire si vous préférez. Si vous n'avez pas le compas dans l'œil on peut s'y reprendre à plusieurs fois, pas de problème! C'est à peu près comme pour plier une lettre en trois, mais là au moins les plis ne paraissent pas... Filmez à nouveau le pâton obtenu et replacez-le au réfrigérateur pendant au moins 30 minutes : le froid, le froid, le froid! Ca doit devenir une obsession !
Faites faire ¼ de tour à votre pâton. Peu importe le sens.
Personnellement je place toujours la pliure à ma gauche et l'ouverture à
droite, comme un livre. C'est mnémotechnique, et comme ça je sais ce que je
fais. Etalez à nouveau le pâton d'avant en arrière pour obtenir encore un
rectangle. Comme on est partis d'un rectangle et non d'un carré, comme tout à
l'heure, on obtient une forme rapidement plus allongée. Ne pas hésiter à lui
donner un peu de largeur en changeant l'orientation du rouleau.
Saupoudrez le sucre préalablement pesé sur la totalité de la surface du pâton. Faites-le adhérer avec la paume des mains puis pliez l'ensemble en 3 parties comme précédemment. Il faudra juste être un peu plus rapide et sûr de soi car le sucre va avoir tendance à vouloir s'échapper et ce serait dommage qu'il en manque au final... n'est-ce pas? A ce stade vous pouvez replacer le pâton au réfrigérateur mais ce n'est pas indispensable. En effet, le sucre que vous venez d'ajouter va maintenant coller les feuillets et vous n'obtiendrez pas de feuilletage supplémentaire. Après tout on fait un KA, pas un millefeuille, point trop n'en faut!
Après avoir fait faire un nouveau quart de tour au pâton ré
étalez-le légèrement et repliez à nouveau les angles comme une enveloppe. Cela
va permettre d'obtenir une forme « fermée » et limiter ainsi les
fuites de beurre et de sucre fondus au moment de la cuisson.
Retournez une nouvelle fois le pâton (pour des raisons
purement esthétiques) et redonnez lui un coup de rouleau à pâtisserie pour
l'amener à la forme ou à la taille que vous désirez. Placez-le sur une plaque à four recouverte de papier
cuisson.
Couvrez-le d'un linge et laissez-le levez à température ambiante pendant 45 minutes. A l'aide d'un pinceau, badigeonnez enfin généreusement la surface du KA du mélange jaune d'œuf et lait.
Striez la surface avec un couteau tenu obliquement de
manière à ne pas inciser la pâte. Enfournez dans le four préchauffé à 180°C et
cuire pendant 45 minutes. Il ne faut pas hésiter à prolonger la cuisson afin
que la surface du KA soit parfaitement dorée et croustillante. Laissez bien
entendu refroidir sur une grille après l'avoir laissé se raffermir quelques
minutes. En effet sa texture particulièrement fragile et cassante a la fâcheuse
tendance à coller et vous risquez une catastrophe si vous vous embarquez à le
manipuler trop chaud.
Le KA se mange chaud où tiède dit-on. Je répondrai que ça
dépend des goûts. Personnellement, sans le laisser pour autant rassir, je
préfère le déguster dans l'heure ou les deux heures qui suivent sa cuisson,
quand il a retrouvé une température ambiante. Le mélange est suffisamment
écœurant (pour ne rien vous cacher) et je trouve assez désagréable de le manger
chaud, maintenant... à vous de voir...
Certes le KA est certes un « non sens diététique », mais la simplicité des ingrédients qui le composent permet cette subtile alchimie que l'on retrouve dans les viennoiseries bien réalisées. La recette que je vous ai livrée est celle du Larousse des desserts supervisé par Pierre Hermé. Comme souvent il faut lire entre les lignes et rectifier les erreurs (la levure de boulanger à la place de la levure chimique...) mais cette recette m'avait semblé être une des plus logique et équilibrée parmi les nombreuses que j'ai pu consulter. Je ne pense pas m'y être trompé. Peut-être n'entrerai-je pas dans la confrérie du kouign-amann grâce à elle mais au moins elle a ravi mon palais, celui de mes collègues et bientôt le vôtre j'espère... tenez-moi au courant...
Et bon appétit! (Bien sûr...)