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Pagaïe, sors de la cuisine!
Pagaïe, sors de la cuisine!
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31 mars 2008

La déco des gâteaux : ça peut être chaud...

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J’ai eu envie d’écrire un billet sur ce thème car il est sujet à controverse, en tout cas en mon for intérieur. Les avis divergent, et le combat ferait presque rage, si cela avait la moindre importance, entre les partisans du nature « comme faisait ma grand-mère » et ceux de « comme dans la vitrine du pâtissier », riche, opulent et limite écoeurant de crème au beurre.

Bien sûr entre les deux mon cœur balance et devrais-je même dire cela dépend du gâteau. Autant je ne concevrai pas un cake, un quatre quarts, ou un flan pâtissier décoré à outrance en dehors d’un éventuel discret coup de pinceau de nappage pour faire briller  (Véro « la voix du Nord » va hurler mais bon…) ; autant je ne concevrai pas non plus en entremet raffiné ou un gâteau festif aussi lisse et nu qu’une plaine lunaire.

On pourrait donc résumer la question du décors ou pas décors aux envies de chacun, après tout on fait ce qu’on veut avec ses gâteaux. Mais si on décide de sauter le pas et de décorer son œuvre pâtissière c’est là que les choses se corsent. On pourrait presque comparer cette démarche à celle d’une aquarelle : il faut se lancer mais quand c’est fait c’est trop tard ! Il est évident que selon le décors choisi, on n’a pas droit à l’erreur et que je vous vois mal décaper la surface de votre entremet pour recommencer, moi en tout cas je ne le fais pas !

La difficulté est justement là : comment faire une déco qui donne envie de manger le gâteau (ou de l’acheter pour un pro) sans paraître kitch, ridicule ou mesquin ? Il existe quelques ouvrages déjà anciens sur la question et s’ils vous expliquent comment faire des roses en sucre tiré, des feuilles en pâte d’amande, des rosaces en crème au beurre et de l’écriture au cornet, ils ne vous livrent guère de pistes en dehors de quelques classiques désuets mokas ou gâteaux de mariage. Pour résumer, ces livres sont à la décoration pâtissière ce que les maisons enduites avec des balcons en fer forgé sont à l’architecture du 21eme siècle.

Fondant_chocolat_th__matcha

En conclusion, si vous voulez vous lancer dans ce périlleux exercice : débrouillez-vous tout seul à être créatif ! Mais comme dirait Brassens dans un tout autre registre, « sans technique un don n’est rien qu’une sale manie » il vaut tout de même mieux apprendre à faire des décors en chocolat ou en sucre, à napper un gâteau et à fabriquer un cornet en papier, ça ne mange pas de pain et ça peut servir. Pour créer il faut s’affranchir de la technique.

Pierre Hermé a dit également il y a quelques années : « Point de décoration qui ne se mange pas », excluant ainsi de son panel les trucs azymes (bien qu’en théorie ça se mange) et divers sujets en plastique plus ou moins ridicules (ça c’est mon avis).

Alors bien sûr il existe des modes en pâtisserie et il semble même qu’elles suivent la mode tout court, ce qui finalement est logique. La tendance Nippone minimaliste est bien là maintenant, et je trouve ça très bien : des décors sobres, épurés, ne masquant pas le gâteau mais le finissant tout simplement, comme le prolongement d’une œuvre et sa signature. C’est presque comme cela que je définirai un décor actuel. Pour moi il doit faire partie intégrante de « l’œuvre », il peut même apporter quelque chose sur le plan gustatif, mais en aucun cas dénaturer, alourdir ou rendre impossible sa consommation.

N’oublions pas en effet qu’un gâteau est aussi et surtout fait pour être mangé, et dans la conception de cette décoration la démarche du mangeable et du faisable doit trouver sa place. Que dire de ces pâtisseries tellement encombrées qui nécessitent d’être déshabillées en plus de temps qu’il ne faut pour les manger avant d’aborder leur découpe ? Que dire aussi de certaines autres pourtant très sobres mais techniquement pas assez réfléchies sans doute qui rendent leur tranchage aléatoire et parfois catastrophique. Ce n’est pas dans mes habitudes de dire du mal de Pierre Hermé, pour moi un maître à penser, mais j’ai eu l’occasion, en parcourant les blogs, de voir une des ses créations, « Carrément chocolat » pour ne pas le nommer, en format entremet pour 6 personnes, complètement explosé à la découpe à cause de la feuille de chocolat qui le recouvre, certes esthétique, mais catastrophique du point de vue structurel car posée sur une base molle. Je n’ose même pas envisager ce que peut donner le tranchage du très beau « Cerise sur le gâteau » lorsqu’on attaque au couteau la majestueuse coque de chocolat au lait dessinée par Yann Pennors. Je dirai donc sur un ton frisant le blasphématoire que certaines pâtisseries de Pierre Hermé sont certes sobrement belles, en oubliant parfois peut être que la destinée première d’un gâteau est d’être mangé sous une autre forme dans l’assiette qu’un tas de bouillie informe : l’esthétique va jusque là je crois.

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Ensuite une déco doit aussi être réalisable dans des conditions qui sont en adéquation avec le résultat attendu et (pour les pros) le prix de vente de l’œuvre finale. Je regardais il y a quelques mois de cela un reportage télévisé sur Christophe Adam, le chef pâtissier de Fauchon, montrant la réalisation du très beau glaçage marbré des éclairs de la maison. Quel autre pâtissier pourra se permettre de passer autant de temps pour décorer un seul éclair ? Mais tout le monde n’est pas Fauchon me direz-vous, certes…

Alors, pour nous les amateurs désireux de bien faire, quel arsenal y a-t-il à notre disposition ? Tout ou presque me direz vous, mais en se référant au paragraphe précédent on pourrait ajouter « en restant raisonnables ». Bien sûr, comme les pros, rien ne vous empêche d’investir dans un compresseur, un pistolet à peinture et de passer vos entremets au beurre de cacao coloré pour un rendu satiné des plus esthétique. Mais est-ce vraiment judicieux, même lorsqu’on est passionné, d’en arriver là ? Pour les mordus (fortunés) PCB Créations commercialise des bombes de beurre de cacao aspect velours… et encore faut-il pouvoir s’en procurer…

Fraise_rose_d_co

Alors pour faire simple disons que les nappages sont à notre portée : chocolat noir, lait ou blanc, caramel, fruités… Juste un conseil faites les vous-même car les pâtes à glacer chocolat notamment, et autres préparations prêtes à l’emploi, ne sont vraiment pas bonnes au goût. Et je pense qu’il serait dommage de gâcher votre travail par une décoration : on ne serait plus vraiment dans l’esprit de la signature de l’œuvre. Ces nappages nécessitent tout de même un sérieux coup de main pour être réussis, lisses et sans bavures. Il faut en effet veiller à les utiliser à une température adéquate, ni trop chaud ni trop froid… et les appliquer en règle générale sur des entremets congelés pour éviter de les voir s’effondrer sous vos yeux !

La pâte d’amande peut aussi permettre de recouvrir un gâteau assez simplement. Personnellement j’utilise de l’incolore, j’en prélève une partie que je colore à mon goût, puis je l’incorpore au reste en faisant une sorte de tressage. J’étale ensuite l’ensemble finement au rouleau sur un fleurage de sucre glace avant d’en déposer un disque sur mes entremets à base de fraise ou de framboises. Il reste ensuite à brosser l’excédent de sucre et à faire briller avec un peu de nappage abricot tout prêt (le seul que j’utilise car son goût passe encore, je trouve). Le résultat est assez esthétique et si la pâte d’amande est étalée finement (1 à 2mm) l’ensemble n’est pas du tout écoeurant.

Pour ce qui est des pulvérulents, le cacao en poudre et le sucre neuschnée peuvent aussi donner des effets sympathiques assez facilement. En les plaçant dans une passette ou une boule à thé, vous pouvez créer des effets ou saupoudrer au travers d’un gabarit découpé, napperon en dentelle, etc… Il est important d’utiliser du sucre neuschnée (mélange de sucre, amidon et matière grasse) et non du sucre glace qui fond au contact de l’humidité. Toujours dans la mouvance japonisante, le thé vert matcha en poudre peut aussi donner des rendus intéressants. Vu le prix du produit, je le coupe à 50% avec du sucre neuschnée et le résultat est tout à fait acceptable.

Ensuite pour donner du relief à votre décor, vous pouvez utiliser des fruits, a fortiori si le gâteau en contient… C’est sans doute mon côté pinailleur, mais j’aime bien que la décoration soit en relative adéquation avec le contenu. Le chocolat permet de se livrer à toute sorte d’extravagances. Une fois tempéré (au Mycryo®, of course), coulez-le sur des feuilles de rhodoïd avant de les déformer sur un support de votre choix, autour d’un rouleau à pâtisserie… Vous pouvez aussi vous procurer des feuilles de transfert pour les chocolats (sortes de décalcomanies au beurre de cacao) qui permettent en étalant du chocolat tempéré sur leur face imprimée de créer des arabesques, virgules ou autres formes en les découpant avant complète cristallisation et en les déformant au besoin.

Rigolo aussi, versez du chocolat sur du plastique bulle, laissez figer et décollez-le (il y aura sûrement un peu de casse…). Pensez également à mouler en chocolat des sujets en plastique transparent (animaux, boules, larmes, cœurs, etc…) qu’on trouve dans les magasins de loisirs créatifs.

Le sucre permet aussi pas mal de choses en restant toutefois plus difficile à travailler, d’une part à cause d’un respect strict des températures mais aussi des difficultés de manipulation. A savoir aussi que l’humidité est son meilleur ennemi et que vos jolis décors fondront dans l’heure si le temps est humide et votre gâteau aussi ! L’isomalt, sucre de dernière génération, est constitué par la liaison de glucose et de mannitol et il a la particularité d’être beaucoup moins sensible aux attaques humides et de permettre ainsi aux décors de résister beaucoup plus longtemps. Mais là aussi, budgets serrés s’abstenir ! Un sirop de sucre cuit au grand cassé (150°C) ou un caramel, permettent ainsi de tremper des fruits secs en les suspendant au bout d’une pique par l’intermédiaire d’un morceau de polystyrène : noisettes et amandes se parents ainsi d’une queue de comète du plus bel effet. Vous pouvez réaliser des étoiles ou des grillages en le projetant à la cuillère sur une toile de cuisson, etc…

Enfin, dans cette liste non exhaustive pourrions-nous citer les feuilles d’or et d’argent qui malgré leur prix ont l’avantage de se conserver indéfiniment, c’est déjà ça ! Les fabricants de colorants ont également mis au point récemment des poudres irisées du plus bel effet, notamment sur les macarons.

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Mais cette énumération ne nous aide malheureusement en rien dans la conception du décor ; et sachez que je ne ferai rien pour vous non plus. J’ai personnellement passé des années à lorgner tous les gâteaux à ma portée, des supermarchés aux plus belles vitrines des pâtissiers. J’en suis arrivé à la conclusion que les décorations les plus sobres étaient à mon goût les plus belles et les plus à propos pour plusieurs raisons. Comme je le disais tout à l’heure elles finissement l’ouvre sans la masquer, elles ne dénaturent pas son goût, elles ne compliquent pas sa découpe et ne prennent pas des plombes à leur créateur.

Ensuite on pourrait retenir quelques principes qui me semblent au fil du temps incontournables. Jouer la symétrie ou la dissymétrie mais pas les deux à la fois. Les lignes courbes se prêtent mieux à un gâteau rond et les droites à un gâteau carré ou rectangulaire. A ce propos il est assez kitch et maladroit de remplir les angles avec des zigouigouis de chantilly… Il est bien de prévoir un point d’accroche visuel pour son décor, quelque chose qui attire l’œil, plus haut que le reste. Veillez alors à sa hauteur afin qu’il rentre dans votre frigo ou dans la boite si vous devez transporter le gâteau… ce serait bête de l’écrabouiller ! Pour les nombrilistes vous pouvez faire un petit logo ou une étiquette portant votre nom et la ficher dans le gâteau, pour faire comme les pros !

Petit conseil, n’abusez pas non plus des perles colorées, des vermicelles en sucre, et autres gadgets du rayon « Vahiné c’est gonflé ». C’est bien pour les goûters des enfants, je pense que ça s’arrête là, et en plus ça ne tient vraiment pas longtemps à l’humidité.

Et dernière chose n’en faites pas trop ! Quand vous voyez que votre décoration commence à tourner au vinaigre il vaut toujours mieux vous arrêter là que d’en rajouter ! J’aurais bien quelques photos à vous montrer mais ma pudeur naturelle m’en empêche…

Encore un billet dithyrambique me direz vous ? Mais quelques digressions philosophiques sur des sujets aussi « sans importance » que celui là ne font pas de mal dans notre monde de brutes. Merci d’avoir eu le courage de me lire… après avoir supporté ça vous êtes maintenant mûrs pour vous lancer !

Et bon appétit ! (bien sûr…)

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Commentaires
H
bonjour <br /> <br /> <br /> <br /> je souhaiterai connaitre le mélange pour couverture au pistolet avec du beurre de cacao et du colorant <br /> <br /> <br /> <br /> merci par avance de vos aides
M
J' ai souvent beaucoup de mal pour la finition des entremets. J' aime beaucoup ce que fait Olivier Bajard, je trouve ca sobre mais élegant. Chez les japonais, il y a aussi Hidemi Sugino, pareil, assez sobre, et vraiment beau je trouve.<br /> Pour l' effet velours, il y a bien le pistolet a peinture ( neuf !). J' hésite à investir. En même temps, pour un particulier, ce n' est pas forcèment utile.<br /> Sinon, il faut chercher sur les sites des patisseries, regarder les cartes, et adapter. N' empêche que la déco, c' est un point sensible et délicat !
N
Je suis d'accord avec toi.<br /> Un texte très bien écrit, et la finesse de ton travail me font briller les yeux!<br /> Nina
N
C'est magnifique!<br /> Merci pour mes yeux...
R
actuellement en btm patisserie je réalise un mémoire sur l'importance du décor en patisserie donc si vous pouviez me guider un peu ca ne serait pas de refus avec mes remerciements bonne continuation romain
Pagaïe, sors de la cuisine!
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